ECRITURE BLEUE.

Avec son œuvre photographique, Sylvie Schambill retisse le lien entre les générations et met au jour ce qui, à travers le temps, unit profondément les êtres. Cette fois, par des photographies récentes ou retrouvées qu’elle a retravaillées, elle nous offre la vision de moments d’enfance ou de maternité. Bien que vécues en des temps différents, ces scènes, par leurs qualités plastiques, se détachent de leur contexte factuel et transcendent les époques. Transformées à l’aide de filtres manuels, elles sont en effet enveloppées par une véritable texture : les effets de couleurs, de trouble, de surimpressions les enrobent d’une matière qui cimentent entre elles les vies passées et présentes, et nous les rend proches et palpables. Le regard s’y enfonce et accède à la fraîcheur qui s’en dégage. Parce que leurs visages sont dissimulés (flou de l’image ou choix de la pose), les figures se rassemblent dans un même espace hors du temps, ou alors dans un temps unique, hors de la chronologie, nimbés d’une aura douce et profonde. Par leur épaisseur nocturne et par l’irréalité de certains de leurs contrastes, les photographies suspendent entre deux mondes les scènes représentées : entre effacement définitif et maintient artificiel dans un éternel présent. Elles nous demandent de nous avancer avec précaution, car ce qu’elles préservent est fragile : dans un enchantement intact, elles nous font effleurer le secret le plus précieux de la maternité, joie et émerveillement. En résulte, à travers le rire des enfants, les jeux, les câlins, quelque chose comme une trace lumineuse, une énergie invisible que ces images déposent durablement en nous. Anne Malherbe- critique d'art